Quelles sont les conséquences de l’évolution du taux d’usure sur le marché immobilier lyonnais ?

Le taux d’usure a été réévalué au premier octobre 2022. Dans cet article, nous allons tout d’abord rappeler la définition, les objectifs et la méthode de calcul du taux d’usure. Nous analyserons ensuite les différents effets que ce taux peut avoir sur le marché immobilier, ainsi que sur tous ses acteurs. Plusieurs professionnels du marché lyonnais nous donneront également leur avis sur le sujet.

Qu’est-ce que le taux d’usure ?

Le taux d’usure représente le taux maximal au-delà duquel les banques ne peuvent légalement pas accorder un prêt. Ce taux a pour objectif de protéger les emprunteurs contre d’éventuels taux abusifs, que pourraient appliquer les organismes bancaires.

Chaque emprunt bancaire possède un TAEG : Taux Annuel Effectif Global. Le TAEG est un pourcentage annuel, qui prend en compte l’ensemble des frais liés à la souscription et au remboursement du prêt. Il comporte divers éléments, tels que les taux d’intérêt, les frais de dossier, le coût de l’assurance, ou bien la rémunération d’un courtier.

Pour être acceptés, les dossiers de demande de prêts doivent donc présenter un TAEG inférieur au taux d’usure en vigueur.

Quels sont les taux d’usure en octobre 2022 ?

Le taux d’usure est actualisé tous les trois mois, mais sa formule de calcul reste similaire. Elle consiste à augmenter d’un tiers le taux effectif moyen du trimestre précédent.

Depuis le premier octobre 2022, les taux d’usure sont les suivants :

Durée du prêt

Taux d’usure Juillet 2022

Taux d’usure Octobre 2022

Prêt à taux fixe 20ans et +

2,57%

3,05%

Prêt à taux fixe entre 10 et 20 ans

2,6%

3,03%

Prêts à taux fixe  < 10 ans

2,6%

3,03%

Prêts à taux variable

2,45%

2,92%

Prêt relais

2,99%

3,4%

https://www.economie.gouv.fr/particuliers/taux-usure

Taux d’usure, taux d’intérêt : Comment évolue le marché depuis le début de l’année 2022 ?

Avant d’entrer dans les détails des conséquences du taux d’usure depuis le mois d’octobre, commençons par un état des lieux du marché de l’immobilier depuis le début de l’année 2022.

Une augmentation constante des taux d’intérêt

L’année 2021 a été marquée par un fort déséquilibre entre l’offre et la demande de biens immobiliers. Cela a notamment entrainé une baisse historique des taux d’intérêt, une pénurie de biens, ainsi qu’une hausse massive des prix. Il était en effet particulièrement facile d’obtenir un crédit, car les taux moyens se situaient autour de 1%. Ces taux jamais observés auparavant étaient révélateurs d’un marché déséquilibré et sous tensions. Ceux-ci n’avaient cependant aucunement vocation à durer dans le temps. C’est donc sans surprise que nous assistons à une remontée progressive des taux depuis le début de l’année 2022.

Des taux d’intérêt trop hauts et un taux d’usure trop bas

Depuis plusieurs mois, les taux d’intérêt ont augmenté beaucoup plus rapidement que le taux d’usure. La faible marge entre les deux taux entrainait donc un blocage pour de nombreux dossiers. En effet, le simple ajout de l’assurance emprunteur aux taux d’intérêt déjà élevés, suffisait à dépasser le taux d’usure.

Les ménages les plus pénalisés

Contrairement à ce que l’on pourrait croire aux premiers abords, les meilleurs dossiers sont les plus pénalisés par le taux d’usure. En effet, les emprunteurs disposant de revenus élevés ont souvent plus de 40 ans. De ce fait, le coût important de leur assurance emprunteur entraine un dépassement du taux d’usure, et donc un refus de prêt.

« Le taux d’usure est un critère complètement objectif, qui ne laisse aucune appréciation aux banquiers. De plus, le calcul du taux d’usure ne prend pas en compte le reste à vivre. De ce fait, les emprunteurs de plus de 40 ans, qui disposent de revenus élevés et d’une très bonne situation, sont ceux qui ont le plus de mal à emprunter, ce qui est paradoxal. On observe beaucoup ce phénomène à Montchat, qui est un quartier résidentiel et familial, entouré d’hôpitaux. Beaucoup d’habitants ont donc de belles situations, notamment grâce à leurs professions dans le domaine de la médecine. Le quartier attire également des investisseurs parisiens et intramuros, qui disposent de budgets élevés. Tous ces profils considérés comme les plus aisés rencontrent de grandes difficultés pour emprunter ».
Maître Diane Heymonet
notaire dans le quartier de Montchat
« Beaucoup de beaux dossiers sont refusés. Le paradoxe que nous rencontrons actuellement est l’impossibilité à financer une clientèle mature, qui possède des revenus confortables, ainsi que du patrimoine. Le coût de l’assurance élevé est indéniablement le principal facteur, qui entraine un blocage au niveau du taux d’usure. Cependant, les jeunes primo-accédants parviennent encore à passer entre les mailles du filet. Le coût de l’assurance plus faible et la mise en place de plusieurs aides jouent en effet en leur faveur. »
Frederic Nonet
courtier chez Finance Consult

L’actualisation du taux d’usure a-t-elle débloqué la situation ?

Le taux d’usure varie entre 3,03 et 3,05% pour les crédits à taux fixe depuis le premier octobre 2022. Cette réévaluation était très attendue, notamment car de nombreux acquéreurs espéraient voir leur dossier se débloquer. Cependant les réjouissances semblent avoir été de courte durée. En effet, les taux d’intérêt ont connu une importante augmentation, dès l’actualisation du taux d’usure. La plupart des banques ont en effet affiché une hausse allant de +0,4 à +0,6%. La situation reste donc significativement la même depuis le début du mois d’octobre. Aujourd’hui, les taux moyens varient généralement entre 2,5 et 2,7%, alors qu’ils étaient encore inférieurs à 2% à la fin du mois d’Août.

Nos experts se sont exprimés sur le sujet :

« Le jour de la réévaluation du taux d’usure, nous avons eu une petite fenêtre de tir, qui nous a permis de faire passer quelques dossiers. Cependant, les taux d’intérêt ont très rapidement suivi, ce qui nous bloque toujours dans ce même cercle vicieux. Je ne dirais pas que la situation est pire qu’en septembre, mais elle n’est clairement pas meilleure. »
Fréderic Nonet
courtier chez Finance Consult
« Le nouveau taux d’usure n’a pas changé grand-chose depuis le début du mois d’octobre. Les taux d’intérêt ont fortement augmenté, c’est donc le serpent qui se mord la queue. »
Nes Verdier
courtière chez Artemis Courtage
«La réévaluation du taux d’usure est encore très récente, nous n’avons donc pas encore pu constater d’effets majeurs par rapport au moins précédent. Cependant, ce qui est certain, c’est que de nombreux acquéreurs avaient espoir que leur dossier se débloque, ce qui n’est globalement pas le cas. Les banquiers sont eux aussi démoralisés par la situation, car ils sont contraints de refuser des dossiers de qualité. »
Maître Diane Heymonet
notaire à Montchat

Quelles seraient les solutions pour régler ce problème de taux d’usure ?

Comment régler le problème ? Cette question brule les lèvres des acquéreurs, des investisseurs, ainsi que de tous les professionnels de l’immobilier. Elle est cependant assez complexe, et ce, pour deux raisons principales :

La première raison est qu’il semblerait que le gouvernement ne soit pas réellement disposé à régler le problème du taux d’usure. Les dossiers refusés entrainent en effet une forte réduction de la demande, qui, rappelons-le, avait explosé en 2021. Cela peut nous laisser penser que l’objectif est de rééquilibrer le marché, car freiner la demande freinera également la hausse des prix.

La seconde raison est que les professionnels ne sont pas spécialement tous d’accord. En effet, bien que tous s’accordent pour dire que la méthode de calcul n’est pas viable dans le marché actuel, les avis divergent quant aux solutions envisagées. Pour Maître Diane Heymonet, par exemple, un changement de la méthode de calcul, ainsi qu’une actualisation mensuelle (au lieu de trimestrielle) pourraient être pertinents. Nos deux autres professionnels expriment quant à eux des opinions différentes :

« La périodicité de la réévaluation du taux d’usure n’est pas le cœur du problème. Je pense que nous avons surtout besoin d’une hausse considérable de ce taux, afin de marquer un écart raisonnable avec les taux d’intérêt, et ainsi régler le problème des dossiers refusés. ».
Fréderic Nonet
courtier chez Finance Consult
« Je ne pense pas que réévaluer plus souvent le taux d’usure soit une solution viable. On ne ferait que traiter le problème en surface, et les taux d’intérêt continueraient de toute façon à suivre. Peut-être devrions-nous plutôt nous interroger sur le bienfondé du taux d’usure, et envisager qu’il puisse être davantage un frein qu’une protection pour les acquéreurs. ».
Nes Nerdier
courtière chez Artemis Courtage

Quels sont les points positifs à retenir ?

Nos trois experts du marché immobilier lyonnais s’accordent à dire que la conjoncture actuelle ne présente pas que des points négatifs. Les acquéreurs doivent en effet prendre en compte certains atouts, notamment :

  • L’externalisation de l’assurance emprunteur peut permettre de réduire le TAEG et de débloquer certains dossiers (surtout chez les plus de 40 ans)
  • Il est possible de surmonter toutes les complexités du marché grâce à l’accompagnement d’un courtier ou d’une courtière
  • Il existe diverses aides, notamment pour faciliter l’emprunt des jeunes primo-accédants
  • Malgré leur augmentation constante, les taux d’intérêt sont encore très bas en 2022
  • La baisse de la demande devrait freiner la hausse des prix que nous connaissons depuis 2020

 

Mais alors, que nous réserve l’avenir ? Que faire lorsqu’on est acquéreur ? Faut-il se lancer ou bien attendre quelques mois et voir comment le marché évolue ? Voici la réponse de nos experts :

« L’immobilier a toujours été une valeur refuge, quelle que soit l’époque ».

Cette phrase de Nes Verdier, courtière chez Artemis Courtage, résume très bien l’avis de nos trois professionnels du marché lyonnais, concernant l’avenir des acquéreurs.

Elle ajoute également : « Je conseillerai aux acquéreurs de ne pas baisser les bras et de tout faire pour concrétiser leur projet. Les taux vont probablement continuer de grimper, donc si vous avez un projet, lancez-vous maintenant. En effet, même si les prix de l’immobilier connaissent une baisse dans un avenir proche, la hausse des taux viendra contrebalancer cela. ».

« Personne ne peut prévoir avec certitude l’évolution des taux dans les années à venir. Ce qui semble être certain, c’est que nous sommes actuellement dans un cycle haussier, bien qu’il soit compliqué d’en mesurer les proportions. Quoi qu’il en soit, je pense que les acheteurs en résidence principale ne doivent pas hésiter à se lancer. La situation n’est en effet pas totalement bloquée, dans la mesure où nous parvenons encore à faire passer des dossiers, grâce à un accompagnement efficace. ».
Frédéric Nonet
courtier chez Finance Consult
« Le point positif est que la réduction de la demande va potentiellement freiner la hausse des prix, voire même entrainer une baisse. Quoi qu’il en soit, les taux d’intérêt sont encore très bas par rapport à ce que l’on considère comme des taux « normaux », de 4 à 6% par exemple. En outre, n’oublions pas que nos parents empruntaient parfois à plus de 12% à leur époque ! Ce qu’il faut conclure, c’est que le taux est relatif, et que les tensions ne doivent pas empêcher les acquéreurs de faire de bonnes affaires. Si vous êtes dans ce cas-là, lancez-vous ! ».
Diane Heymonet
notaire à Montchat

Le mot de la rédactrice

« Les trois professionnels que j’ai pu interroger pour la rédaction de cet article ont été d’une grande aide. Ils ont su faire preuve d’objectivité et de clarté pour analyser la situation actuelle. Leurs explications correspondent assez bien au sentiment que j’ai vis-à-vis du marché immobilier en ce moment, en tant que rédactrice immobilière, mais également en tant que future acquéreuse. Bien que la situation soit particulièrement délicate, je pense qu’elle est loin d’être insurmontable. La baisse de la demande va notamment apporter du calme et freiner la hausse de prix interminable, que nous connaissons depuis quelques années. À mon sens, il n’y a pas de mauvais moment pour investir dans l’immobilier. C’est pourquoi je rejoins totalement les avis de mes interviewés : lancez-vous tant que les taux sont encore bas ! »
Malorie Farre
Rédactrice spécialiste de l'immobilier

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